L’accord de coopération entre l’Etat fédéral, les Communautés et les Régions relatif à la continuité de la politique en matière de pauvreté a été signé à Bruxelles le 5 mai 1998. Il a été approuvé par
la Communauté flamande, décret du 17 novembre 1998, M.B. du 16 décembre 1998
l’Etat fédéral, loi du 27 janvier 1999, M.B. du 10 juillet 1999
la Communauté française, décret du 30 novembre 1998, M.B. du 10 juillet 1999
la Communauté germanophone, décret du 30 novembre 1998, M.B. du 10 juillet 1999
la Région wallonne, décret du 1er avril 1999, M.B. du 10 juillet 1999
la Région de Bruxelles-Capitale, ordonnance du 20 mai 1999, M.B. du 10 juillet 1999

Texte de l’accord

Vu l’article 77 de la Constitution;

Vu la loi spéciale du 8 août 1980 de réforme des institutions, notamment l’article 92bis, § 1, inséré par la loi spéciale du 8 août 1988 et modifié par la loi spéciale du 16 juillet 1993;

Vu la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux Institutions bruxelloises, notament les articles 42 et 63;

Vu la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone, notamment l’article 55bis, inséré par la loi du 18 juillet 1990 et modifié par la loi du 5 mai 1993;

Vu la décision du Comité de concertation Gouvernement fédéral – Gouvernements des Communautés et des Régions du 3 décembre 1997;

Considérant que la précarité d’existence, la pauvreté et l’exclusion sociale, économique et culturelle, fût-ce d’un seul être humain, portent gravement atteinte à la dignité et aux droits égaux et inaliénables de tous les êtres humains;

Considérant que la restauration des conditions de la dignité humaine et de l’exercice des droits de l’Homme définis par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 et par les deux Pactes internationaux relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, et aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 est un objectif commun de chaque Autorité du pays;

Considérant que la réalisation de cet objectif passe, notamment, par un effort constant de chaque Autorité, tant de son côté qu’en coordination avec les autres pour l’élaboration, la mise en oeuvre et l’évaluation de politiques de prévention de la précarité d’existence, de lutte contre la pauvreté et d’intégration des personnes dans la société;

Considérant que la sécurité sociale est prioritaire pour le maintien de la cohésion sociale, pour la prévention de la précarité, de la pauvreté et des inégalités sociales et pour l’émancipation de l’être humain;

Considérant qu’il importe d’assurer la continuité de ces politiques d’intégration, notamment par l’adaptation et le développement des services publics;

Considérant que la participation de toutes les personnes concernées par ces politiques d’intégration, dès leur élaboration, doit être garantie par les Autorités;

l’Etat fédéral, représenté par le Premier Ministre, la Ministre des Affaires sociales, la Ministre de l’Emploi et du Travail chargée de la Politique d’Egalité des Chances entre Hommes et Femmes, le Ministre de la Santé publique et des Pensions et le Secrétaire d’Etat à l’Intégration sociale;

la Communauté flamande et la Région flamande, représentées par son Gouvernement, en la personne du Ministre-Président et des Ministres chargés de la coordination de la politique pauvreté ainsi que de l’aide aux personnes;

la Communauté française, représentée par son Gouvernement en la personne de la Ministre-Présidente;

la Communauté germanophone, représentée par son Gouvernement, en la personne du Ministre-Président et du Ministre de la Jeunesse, de la Formation, des Médias et des Affaires sociales;

la Région wallonne, représentée par le Ministre-Président et le Ministre de l’Action sociale;

la Région de Bruxelles-Capitale, représentée par le Ministre-Président;

la Commission communautaire commune, représentée par les membres du Collège réuni chargés de l’Aide aux Personnes;

Ont convenu ce qui suit :

Article 1er

Dans le respect de leurs compétences respectives, les parties signataires s’engagent à poursuivre et à coordonner leurs politiques de prévention de la précarité d’existence, de lutte contre la pauvreté et d’intégration des personnes dans la société, sur la base des principes suivants :

la concrétisation des droits sociaux inscrits à l’article 23 de la Constitution;

un accès égal pour tous à tous ces droits, ce qui peut également impliquer des mesures d’action positive;

l’instauration et le renforcement des modalités de participation de toutes les Autorités et personnes concernées, en particulier les personnes vivant dans un état de pauvreté, à l’élaboration, la mise en oeuvre et l’évaluation de ces politiques;

une politique d’intégration sociale est une politique transversale, globale et coordonnée, c’est-à-dire qu’elle doit être menée dans tous les domaines de compétence et qu’elle requiert une évaluation permanente de toutes les initiatives et actions entreprises et envisagées.

Art. 2.

A cet effet, les parties signataires s’engagent à contribuer, chacune dans la limite de ses compétences, à l’élaboration d’un Rapport sur la Précarité, la Pauvreté, l’Exclusion sociale et les Inégalités d’accès aux droits, ci-après dénommé « le Rapport ». Celui-ci est rédigé tous les deux ans pour le mois de novembre par le « Service de lutte contre la pauvreté, la Précarité et l’Exclusion sociale » prévu à l’article 5 du présent accord, sur la base des contributions des parties. Le Rapport est établi dans les trois langues nationales.

Il contient au moins :

une évaluation de l’évolution de la précarité des conditions d’existence, de la pauvreté et de l’exclusion sociale sur la base des indicateurs définis conformément à l’article 3;

une évaluation de l’exercice effectif des droits sociaux, économiques, culturels, politiques et civils ainsi que des inégalités qui subsistent en matière d’accès aux droits;

un inventaire et une évaluation des politiques et des actions menées depuis le précédent rapport;

des recommandations et des propositions concrètes en vue d’améliorer la situation des personnes concernées dans tous les domaines visés au présent article, tant à long terme qu’à court terme.

Art. 3.

Après concertation avec le monde scientifique, les administrations et institutions compétentes, les interlocuteurs sociaux et les organisations dans lesquelles les personnes les plus démunies s’expriment, les parties signataires examineront quels sont les indicateurs quantitatifs et qualitatifs et les instruments qui peuvent être utilisés et/ou élaborés afin d’analyser l’évolution dans tous les domaines visés à l’article 2 de façon à permettre aux Autorités compétentes d’intervenir de la manière la plus adéquate. Une première série d’indicateurs sera déterminée pour le 15 novembre 1998.

Dans le respect des lois et règlements relatifs à la protection de la vie privée des individus, les parties signataires s’engagent à mettre gratuitement à la disposition du Service de lutte contre la Pauvreté, la Précarité et l’Exclusion sociale, toutes les données au sujet desquelles un accord préalable sera intervenu, ou à faciliter l’accès à ces données si elles appartiennent à des services extérieurs. Les parties signataires ont également accès à ces données.

Art. 4.

§ 1er. Le Rapport est remis via la Conférence interministérielle de l’Intégration sociale mentionnée à l’article 9 au Gouvernement fédéral ainsi qu’aux Gouvernements des Communautés et des Régions, qui s’engagent à le transmettre à leurs Conseils, Parlements ou Assemblées.

§ 2. Dans le mois qui suit sa réception, le Rapport est transmis par le Gouvernement fédéral au Conseil National du Travail et au Conseil Central de l’Economie, qui rendent un avis dans le mois, à propos notamment des domaines qui relèvent de leurs missions. Selon la même procédure, les Communautés et les Régions demandent également un avis à leurs propres organes d’avis compétents dans ce domaine.

§ 3. Toutes les parties signataires s’engagent à tenir un débat relatif au contenu du Rapport et des avis et, en particulier, aux recommandations et propositions formulées dans le rapport.

Art. 5.

§ 1er. Afin de mettre en œuvre ce qui précède un « Service de lutte contre la Pauvreté, la Précarité et l’Exclusion sociale » est créé avec pour missions de :

répertorier, systématiser et analyser les informations en matière de précarité d’existence, de pauvreté, d’exclusion sociale et d’accès aux droits sur la base des indicateurs définis conformément à l’article 3;

formuler des recommandations et des propositions concrètes en vue d’améliorer les politiques et les initiatives de prévention de la précarité d’existence, de lutte contre la pauvreté et d’intégration des personnes dans la société;

rédiger, au moins tous les deux ans, un Rapport tel que défini à l’article 2;

à la demande d’une des parties signataires, de la Conférence interministérielle pour l’Intégration sociale ou d’initiative, émettre des avis ou rédiger des rapports intérimaires sur toute question relative aux domaines relevant de ses missions;

organiser une concertation structurelle avec les plus démunis.

§ 2. Pour réaliser les objectifs définis sous § 1er, le Service associe d’une manière structurelle et continue à ses travaux les organisations dans lesquelles les personnes les plus démunies s’expriment, en faisant usage de la méthodologie basée sur le dialogue, telle qu’elle a été développée lors de l’élaboration du « Rapport Général sur la Pauvreté ».

Le Service peut également faire appel à toute personne ou organisation publique ou privée ayant expertise en la matière.

Art. 6.

§ 1er. Le Service de lutte contre la Pauvreté, la Précarité et l’Exclusion sociale est trilingue et est créé au niveau fédéral, au Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme. Il est subsidié par tous les partenaires. Pour 1998, un budget de vingt millions de francs est mis à disposition :

15.000.000 francs par l’Etat fédéral;

2.800.000 francs par la Communauté flamande et la Région flamande;

1.700.000 francs par la Région wallonne (en concertation avec les Communautés française et germanophone);

500.000 francs par la Région de Bruxelles-Capitale (en concertation avec la Commission communautaire commune).

Les montants sont indexés annuellement. Le budget peut être adapté moyennant l’accord de toutes les parties concernées après évaluation, par un avenant au présent accord de coopération.

Les montants sont versés pour le mois de mars de l’année à laquelle ils se rapportent.

§ 2. Une collaboration permanente et structurelle doit avoir lieu entre le Service de Lutte contre la Pauvreté, la Précarité et l’Exclusion sociale et les administrations compétentes au niveau des Communautés et des Régions. A cette fin, des collaborateurs scientifiques sont mis, sous une forme ou une autre, à la disposition du Service par les trois Régions, à savoir : 1,5 équivalent temps plein par la Région flamande, 1 équivalent temps plein par la Région wallonne et 1/2 équivalent temps plein par la Région de Bruxelles-Capitale. S’il s’agit de fonctionnaires, ceux-ci continuent à faire partie du personnel de la Région.

§ 3. Dans le respect de leurs compétences et de leurs budgets, les Communautés et les Régions veillent à reconnaître et à encourager des organisations dans lesquelles des personnes démunies s’expriment.

Art. 7.

§ 1. Un Comité de Gestion du Service de lutte contre la Pauvreté, la Précarité et l’Exclusion sociale est mis en place avec les missions suivantes :

la garantie de la bonne exécution du présent accord de coopération;

sur proposition de la Commission d’Accompagnement prévue à l’article 8, la faculté de recourir à des établissements scientifiques ou à des services d’étude spécialisés qui, étant donnée leur expérience et le matériel dont ils disposent, peuvent assister le Service de lutte contre la Pauvreté, la Précarité et l’Exclusion sociale dans l’accomplissement de ses missions; dans ce cas, une convention doit être conclue avec le Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme;

l’élaboration pour le Service de lutte contre la Pauvreté, la Précarité et l’Exclusion sociale d’un projet de budget dont la gestion est strictement séparée de la dotation organique du Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme;

la détermination du programme des besoins en personnel et en particulier du profil des fonctions du coordinateur.

§ 2. Le Président et le Vice-Président du Comité de Gestion et le coordinateur du Service de lutte contre la pauvreté, la Précarité en l’Exclusion assistent avec voix consultative aux assemblées du Conseil d’administration du Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme quand des points concernant le Service de lutte contre la Pauvreté, la Précarité et l’Exclusion sociale sont à l’ordre du jour.

§ 3. Outre le Représentant du Premier Ministre qui le préside, le Comité de Gestion se compose de 12 membres, parmi lesquels :

4 membres présentés par l’Etat fédéral;
3 membres présentés par la Communauté flamande et la Région flamande;
2 membres présentés par la Région wallonne en concertation avec la Communauté française;
2 membres présentés par la Région bruxelloise en concertation avec la Commission communautaire commune, dont un néerlandophone et un francophone;
1 membre présenté par la Communauté germanophone.

Ces membres sont désignés en fonction de leurs compétences et de leur expérience dans les domaines visés par le présent accord de coopération. Ils sont désignés par les Gouvernements respectifs, et sont nommés pour un mandat renouvelable de 6 ans par un arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres.

§ 4. En outre, le Directeur et le Directeur adjoint du Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme ainsi que le coordinateur du Service de Lutte contre la Pauvreté, la Précarité et l’Exclusion sociale sont membres avec voix consultative du Comité de Gestion.

Art. 8.

Il est créé une Commission d’Accompagnement qui, sous la présidence du Ministre ou Secrétaire d’Etat compétent pour l’Intégration sociale, accompagne les travaux du Service de Lutte contre la Pauvreté, la Précarité et l’Exclusion sociale. La Commission d’Accompagnement veille également au respect de la méthodologie et des critères prévus à l’article 3, ainsi qu’au bon avancement du Rapport. La Commission d’accompagnement est composée des membres du Comité de Gestion prévu à l’article 8, auxquels viennent s’ajouter, au moins :

4 représentants des interlocuteurs sociaux, présentés par le Conseil National du Travail;
2 représentants des organismes assureurs, présentés par le Collège Intermutualiste National;
5 représentants présentés par les organisations dans lesquelles les personnes les plus démunies s’expriment, dont un représentant des sans-abri;
3 représentants présentés par la Section Aide sociale de l’Union des Villes et des Communes belges.

Ces représentants sont proposés en fonction de leurs compétences et de leur expérience dans les domaines visés par le présent accord de coopération. Le Comité de Gestion leur octroie un mandat de 6 ans.

Art. 9.

En vue de garantir la concertation entre les différents Gouvernements, la Conférence interministérielle de l’Intégration sociale se réunit au moins deux fois par an.

Dans le respect des compétences des Autorités qui la composent, elle a pour mission de veiller à une approche globale, intégrée et coordonnée des politiques de prévention de la précarité d’existence, de lutte contre la pauvreté et d’intégration des personnes dans la société.

Elle est présidée par le Premier Ministre et préparée en collaboration avec le Ministre ou Secrétaire d’Etat qui a l’Intégration sociale dans ses attributions. Ils en assurent également le suivi. A cet effet, ils font appel à la compétence de la Cellule Pauvreté au sein de l’Administration de l’Intégration sociale et du Service de lutte contre la Pauvreté, la Précarité et l’Exclusion sociale.

Art. 10.

Dans le cadre de la Conférence interministérielle de l’Intégration sociale, les parties signataires évalueront annuellement le fonctionnement du Service de lutte contre la Pauvreté, la Précarité et l’Exclusion sociale et la bonne exécution du présent accord de coopération.

Art. 11.

Le présent accord de coopération vise à renforcer la mission du Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme, telle que définie à l’article 2 de la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme, en particulier dans le domaine de la lutte contre toute forme d’exclusion. C’est pourquoi, à l’occasion du renouvellement du Conseil d’administration du Centre, le Gouvernement fédéral invitera le Parlement à tenir compte de ce renforcement sur la base de l’évaluation prévue à l’article 10.

Fait à Bruxelles, le 5 mai 1998, en 7 exemplaires.
Pour l’Etat fédéral : J.-L. DEHAENE, Premier Ministre ; M. COLLA, Ministre de la Santé publique ; M. DE GALAN, Ministre des Affaires sociales ; M. SMET, Ministre de l’Emploi et du Travail ; J. PEETERS, Secrétaire d’Etat à l’Intégration sociale ;
Pour la Communauté flamande et la Région flamande : L. VAN DEN BRANDE, Ministre-Président ; L. PEETERS, Ministre des Affaires intérieures, de la Politique urbaine et du Logement ; L. MARTENS, Ministre de la Culture, de la Famille et de l’Aide sociale ;
Pour la Communauté française : L. ONKELINX, Ministre-Présidente ;
Pour la Communauté germanophone:J.MARAITE, Ministre-Président ; K.-H. LAMBERTZ, Ministre de la Jeunesse, de la Formation, des Médias et des Affaires sociales ;
Pour la Région wallonne : R. COLLIGNON, Ministre-Président ; W. TAMINIAUX, Ministre de l’Action sociale ; Pour la Région de Bruxelles-Capitale : CH. PICQUE, Ministre-Président ;
Pour la Commission communautaire commune : R. GRIJP, D. GOSUIN, Membres du Collège réuni chargés de l’Aide aux Personnes.